Réforme de la SNCF et histoire des chemins de fer

A la suite de la nième réforme de la SNCF sur la longue route de sa privatisation (pourquoi d’ailleurs ne pose-t-on jamais carrément la question?), je suis tombé sur quelques références intéressantes sur la période de fondation de l’entreprise nationale par excellence, la SNCF.

Tout d’abord, une publication de socio, sur le sujet de l’attrait pour la privatisation du train en France. L’auteur y rappelle que la SNCF n’a jamais été une administration ou un pur service public sans obligation marchande, et ce, dès sa création (une création par nationalisation consensuelle et non punitive). Dès les années 50, la SNCF fait du benchmarking avec les sociétés ferroviaires américaines ou japonaises. Les fermetures de lignes commencent dès la création (-10%) puis se poursuit dans les années 60 (-50% par rapport à 1938…) ne laissant quasiment que le réseau en étoile que l’on connaît.

Une autre publication, sur l’ancêtre de la CFTA/Véolia environnement, nous donne une information intéressante sur l’état de santé des lignes secondaires en 1912 (avant la création de la SNCF donc, et avant la concurrence de la voiture): leur rentabilité était de 1.2%! Autant dire que le problème de « la ligne de train gouffre financier » ne date pas d’aujourd’hui… Que faisaient donc les acteurs économiques (privés) de l’époque pour compenser ces pertes? Appel à l’État, de façon régulière et massive, à travers des « garanties d’intérêt », c’est à dire des versements d’argent public (ici plus de 4M de francs or pour 1911, sur un bilan de 109M, soit un peu moins de 4%).

Pourquoi alors faire des trains? Parce que l’intérêt social du système ferroviaire dépasse de loin la stricte rentabilité (ou non) des lignes elles-mêmes. On pourrait aujourd’hui parler de réchauffement climatique et d’objectifs d’émissions de CO2, domaine dans lequel l’action européenne est d’une nullité achevée, mais avant la création de la SNCF, on pensait aménagement du territoire. Exemple avec la compagnie du midi, qui, de 1852 à 1937, participe à l’aménagement des landes, à la commercialisation du vin, en suscitant largement la création des chambres d’agricultures et de commerce, produit du naissain d’huîtres, réempoissonne des lacs et des étangs (Thau), promeut l’augmentation de la production agricole, la création de coopérative, créée un « cluster » pour l’économie des Pyrénées (rassemblement universitaire, notables et entreprises pour la croissance de l’économie de l’époque), expose du matériel agricole dans ses gares, produit de l’électricité (341KWh en 1937), lance le développement de la station balnéaire d’Arcachon (qui est revendue ensuite….) puis des stations de Cauterêts, Font-Romeu, SuperBagnères et Eaux-bonnes, construit la route du Tourmalet au pic du midi… alors même que la Compagnie du Midi est, à l’époque, une société purement privée.

Bref, l’état d’esprit « service public » dans le ferroviaire date de bien avant la SNCF, et il me semble possible qu’il ait été plus malmené durant les années de règne de celle-ci que durant le siècle de gestion par concession régulée au privé entre 1830 et 1938. En tout cas, il est bien loin de l’esprit de la réforme Macron, à laquelle il ne survivra que s’il est porté à nouveau par des volontés locales comme celle des fondateurs de la société du Midi. L’Auvergne n’en prend clairement pas le chemin, hélas.

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